top of page

Victoria Santa Cruz

Victoria Santa Cruz, de son nom complet Victoria Eugénia Santa Cruz Gamarra est née le 27 octobre 1922 dans la capitale péruvienne : Lima. Elle est morte le 30 août 2014. Elle est surnommée « la mère de la danse et du théâtre afro-péruviens ». Revenons sur l’histoire et la vie de cette femme militante pour la culture afro-péruvienne.

 

Son père, Nicomedes Santa Cruz Aparicio et sa mère Victoria Gamarra, ont eu dix enfants. Victoria Santa Cruz était la huitième de cette fratrie. Sa famille était composée de beaucoup d’artistes, notamment sa mère passionnée par la danse. C’est donc tout naturellement que Victoria s’initia aux arts : la poésie, la musique et bien évidemment la danse. Elle apprit avec ses parents des danses afro-péruvienne : la marinera et autres danses criollo. Son père, qui a vécu aux États-Unis pendant son adolescence, a partagé avec ses enfants ses connaissances sur la musique classique occidentale, et notamment les œuvres shakespeariennes.

Avec son frère Nicomedes Santa Cruz, elle créa la première compagnie de théâtre noire au Pérou, « Cumanana », en 1958. Elle décrivait le terme de Cumanana comme étant un « mélange de choses espagnoles et noires », faisant référence à sa propre identité. Elle commença un travail de réhabilitation de l’histoire oubliée avec la pièce musicale Malató de 1961. Dedans, elle met en lumière « les relations intimes historiquement répandues entre esclave et maître qui ont été omises de l’histoire officielle des haciendas péruviennes et des mestizaje biologiques ». Les haciendas sont des domaines construits pendant l’Empire colonial espagnol : certaines étaient des plantations, des mines ou usines. Et le terme mestizaje désigne les métissages. C’est à ce moment-là que son intérêt pour la récupération et la mémoire de la culture afro-péruvienne prirent une importance grandissante. Elle fit de son objectif l’éveil et la reconnaissance de la culture noire au Pérou.

 

Elle obtint une bourse du gouvernement Français, après qu’un conseiller culturel de l’ambassade de France l’ait repéré pendant l’un de ses spectacles, et de 1961 à 1965, elle étudia à l’Université du Théâtre des Nations à l’École Supérieure d’Études Chorégraphiques (avec des professeurs du nom d’Eugène Ionesco ou encore Maurice Béjart). Durant son séjour en France, elle devint costumière. Avant de revenir au Pérou, elle visita l’Afrique. Lorsqu’elle revint au Pérou, elle fonda le groupe Teatro y Danzas Negras del Perú, qui se produisait à Lima et à la télévision péruvienne et effectuait des tournées internationales. Victoria fit des recherches sur les musiques et traditions de danse afro-péruviennes et recréa des formes de danses afro-péruvienne, par exemple le landó et le zamacueca.

Alors que le Pérou connaît ses heures sombres dans la deuxième partie du XX ème siècle, Victoria fut nommée directrice de la nouvelle Escuela Nacional de Folklore. En 1973, elle devint directrice du Conjunto Nacional de Folklore. Sa compagnie de danses fit des tournées internationales. A côté de sa carrière de danseuse et chorégraphe, elle devint écrivaine. En 1982, elle accéda au poste de professeure invitée à l’Université Carnegie Mellon de Pittsburgh. Elle a finalement obtenu la permanence et y a enseigné jusqu’à sa retraite en 1999.

Elle est décédée en 2014 à Lima, après avoir développé et répandu, dans le cadre mémoriel, la culture afro-péruvienne.

 

Il faut se rendre compte que la volonté de partager cette culture afro-péruvienne s’est faite dans un contexte particulier. En effet, le Pérou qui a aboli l’esclavage en 1855, était toujours le théâtre de discrimination dans l’enfance de Victoria. Elle fut très tôt confrontée au racisme. Elle raconte ce passage de sa vie dans son poème Me gritaron negra en 1978. Elle y expose l’exclusion qu’elle a subie sur des fonds de racisme alors qu’elle était nouvelle dans son quartier. Une petite fille blonde refusa qu’elle joue avec son groupe d’amis. Ça marquera la vie de Victoria, sa conception de la société mais aussi son combat pour la reconnaissance d’une identité.

Me gritaron negraVictoria Santa Cruz
00:00 / 03:18

Me gritaron negra

Tenía siete años apenas, apenas siete años,
¡Que siete años!
¡No llegaba a cinco siquiera!

De pronto unas voces en la calle
me gritaron ¡Negra!
¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra!

“¿Soy acaso negra?” – me dije ¡SÍ! “¿Qué cosa es ser negra?” ¡Negra!
Y yo no sabía la triste verdad que aquello escondía.¡ Negra!
Y me sentí negra, ¡Negra!
Como ellos decían ¡Negra!
Y retrocedí ¡Negra!
Como ellos querían ¡Negra!
Y odié mis cabellos y mis labios gruesos y miré apenada mi carne tostada
Y retrocedí ¡Negra!
Y retrocedí…
¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra!
¡Negra! ¡Negra! ¡Neeegra!
¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra!
¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra!

Y pasaba el tiempo,
y siempre amargada
Seguía llevando a mi espalda mi pesada carga

¡Y cómo pesaba! …
Me alacié el cabello,
me polveé la cara,
y entre mis cabellos siempre resonaba la misma palabra

¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Neeegra!
Hasta que un día que retrocedía, retrocedía y que iba a caer ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra! ¡Negra!

¿Y qué?

¿Y qué? ¡Negra! Sí ¡Negra!
Soy ¡Negra! Negra ¡Negra! Negra soy

¡Negra! Sí
¡Negra! Soy
¡Negra! Negra
¡Negra! Negra soy
De hoy en adelante no quiero laciar mi cabello

No quiero
Y voy a reírme de aquellos,
que por evitar – según ellos –
que por evitarnos algún sinsabor Llaman a los negros gente de color ¡Y de qué color! NEGRO
¡Y qué lindo suena! NEGRO
¡Y qué ritmo tiene!
NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO
Al fin
Al fin comprendí AL FIN
Ya no retrocedo AL FIN
Y avanzo segura AL FIN
Avanzo y espero AL FIN
Y bendigo al cielo porque quiso Dios que negro azabache fuese mi color Y ya comprendí AL FIN
Ya tengo la llave
NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO NEGRO
¡Negra soy!

Je n’avais que sept ans, que sept ans,
Quel sept ans !
Je n’ai même pas atteint cinq !
Soudain, des voix dans la rue
m'ont crié Noire !
Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire!
« Suis-je noire ? » – J’ai dit OUI ! « Qu’est-ce que ça fait d’être noire ? » Noire !
Et je ne connaissais pas la triste vérité qu’il cachait.
Et je me sentais noire, noire !
Comme ils disaient, Noire !
Et j'ai reculé, Noire!
Comme ils voulaient Noire !
Et je détestais mes cheveux et mes lèvres épaisses et regardais ma chair grillée avec tristesse
Et je reculais, Noire!
Et j’ai reculé...
Noire! Noire! Noire! Noire!
Noire! Noire! Noooire!
Noire! Noire! Noire! Noire!
Noire! Noire! Noire! Noire!
Et le temps passa,
et toujours amère
Je continuais à porter mon lourd fardeau sur mon dos.
Et comme ça pesait ! ...
J’ai lissé mes cheveux,
je me suis poudrée le visage,
et le même mot résonnait toujours entre mes cheveux.
Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noooire!
Jusqu’au jour que j'ai reculé, j'ai tellement reculé et j’allais tomber
Noire ! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire! Noire!
Et alors?
Et alors? Noire! Oui ! Noire!
Je suis Noire! Noire ! Noire! Noire je suis
Noire! Oui
Noire! Je suis
suis Noire! Noire
Noire! Noire je suis
À partir de maintenant je ne veux pas me lisser les cheveux
Je ne veux pas !                                                   
Et je vais rire de ceux,
qui pour éviter – selon eux –
qui pour éviter un certain dégoût appellent les Noirs "des gens de couleur" Et de quelle couleur ! NOIRE !
Et que si beau résonne ! NOIRE !
ET quel rythme il a !
NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE

NOIRE NOIRE NOIRE
ENFIN
J’ai enfin compris ENFIN !
Je ne recule plus ENFIN
Et j'avance sûre ENFIN
J’avance et j’espère ENFIN
ET je bénis le ciel parce que Dieu voulait que le noir de jais soit ma couleur Et j’ai déjà compris ENFIN
J’ai déjà la clé
NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE

NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE NOIRE

NOIRE NOIRE
Noire je suis !

Publié en mars 2022

Article par : Taheera, bénévole de l'association.

bottom of page